Vers des financements combinés de la formation en dehors des sentiers battus
- Benjamin Finzi
- 15 oct.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 oct.
Dans un contexte de réformes successives et de tensions budgétaires, la recherche de financements redevient un enjeu central pour les acteurs de la formation. Entre formation continue et apprentissage, entreprises, salariés et CFA sont invités à repenser leurs pratiques et à conjuguer les dispositifs existants pour élargir les voies d’accès à la formation et sécuriser les parcours.

De la chasse aux financements à une approche combinatoire
Pendant des décennies une des principales missions des responsables de formation dans les entreprises était d’aller à la chasse aux financements… souvent au détriment de la qualité qui à l’époque n’était pas un sujet. Réaliser le plus gros volume de formations était un objectif autant financier que social, et pour cela, accéder aux fonds mutualisés des OPCA était la priorité.
Puis, la loi du 5 mars 2014 a supprimé le « 0,9 % », la contribution obligatoire au titre du plan de formation. De l’obligation de dépenser, on est passé à l’obligation de former dont on atteste du respect par l’état des lieux à 6 ans de l’entretien professionnel. L’optimisation du budget formation implique désormais la sauvegarde de la trésorerie des entreprises et donc une gestion interne de leur plan de formation indépendamment des OPCO, sinon au cas par cas avec quelques versements volontaires ciblés.
Aujourd’hui, dans un contexte de restrictions budgétaires, où l’écosystème formation est régulé par des réformes à « à-coups », la recherche de financements est non seulement d’actualité mais elle devient, et c’est une nouveauté, une nécessité économique pour l’ensemble des parties prenantes qui gagneraient à conjuguer les dispositifs pour en élargir la portée.
Dans le champ de la formation continue comme dans celui de l’apprentissage, les opportunités de former ou de se former implique de décloisonner, d’explorer de nouvelles voies et de mutualiser les financements.
Formation continue : conjuguer et mutualiser les financements
Dans le champ de la formation continue, lorsque les parties prenantes sont les entreprises et les salariés, le ou les financements à mobiliser est fonction de la demande initiale :
Si la demande provient de l’entreprise…
On mobilise les actions dites « collectives » que proposent les OPCO et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise. Cette offre de formations, en général non certifiante, permet surtout à l’employeur de répondre à ses obligations de former (adaptation au poste, maintien dans l’emploi). Les formations, préalablement négociées par les OPCO auprès des OF sur appels d’offres, sont financées, en tout ou partie, par la mutualisation des contributions légales.
Pour financer des formations propres à certains secteurs d’activité, l’existence d’obligations conventionnelles décidées par les branches professionnelles est à explorer. En 2023, les 3 OPCO suivant ont collecté à eux-seuls 50%, soit 304 M€, de la totalité des obligations conventionnelles tous secteurs confondus : Uniformation (121 M€), OPCO Santé (96,7 M€), OPCO EP (86,8 M€).
Pour toutes les thématiques relevant de la transition écologique ou de la transition numérique, le FSE+ permet une prise en charge des coûts pédagogiques à hauteur de 50%. Sur le dernier trimestre 2025, mobiliser du FSE+ est encore possible à condition que les formations soient terminées avant la fin de l’année.
La Pro A, pensée pour les reconversions et les promotions en interne, est un dispositif effectif jusqu’au 31/12/2025 (1) destiné à financer les parcours de formation en faveur de la reconversion et promotion des salariés en mobilité. La finalité restant la même, au 1er janvier 2026, il devrait être opportunément renommé « Parcours de reconversion ».
… la conjugaison des financements est largement préconisée dans toutes les entreprises, et en particulier dans les entreprises de 50 salariés et plus
Actions collectives + PDC (2) : combinaison pour optimiser les budgets
PDC + « FSE+ » : combinaison indispensable pour mobiliser le FSE+ selon des thématiques prédéfinies sur des formations en inter ou intra, en présentiel ou en distanciel.
Pro A + PDC : combinaison pour financer la mobilité des parcours organisés en interne et visant des certifications jusqu’au grade de la licence. La certification Cléa peut également être visée. Compte tenu de la loi adoptée le 15/10/2025 portant création de la période de reconversion, à partir du 1er janvier 2026, le CPF du salarié pourrait être mobilisé, sous réserve de son accord bien sûr, ce qui donnerait : Période de reconversion par l’OPCO + CPF + PDC
Si la demande provient du salarié…
Le projet professionnel – à formaliser – est le point d’entrée et le parcours certifiant le moyen de le réaliser. Et selon les cas :
Sur un parcours long, préparant à un changement de métier ou de profession, c’est le Projet de Transition Professionnelle (PTP) qui est à activer
Sur les autres parcours certifiants, c’est le compte personnel de formation (CPF) qui est mobilisé
… ici aussi, la conjugaison des financements est largement préconisée
PTP + PDC : combinaison pour accompagner la reconversion de salariés sur des métiers actuels ou à venir que l’entreprise souhaite garder
CPF + PDC : combinaison simplifiée par le décret du 14/04/2025 qui facilite les abondements employeurs en sécurisant les versements tout en garantissant le remboursement des droits en cas de non utilisation.
Formation initiale : un modèle économique des CFA à repenser
Dans le champ de la formation initiale, face à la baisse annoncée du nombre d’apprentis pour des raisons multiples dont celles citées en introduction, c’est le modèle économique des CFA qui est menacée – baisse des taux de marge, de la croissance, des recrutements – comme l’est tout autant la perspective de poursuite d’études pour les candidats à l’apprentissage de la rentrée 2025.
En l’absence d’employeur dans les prochaines semaines, le statut aujourd’hui de stagiaire de la formation professionnelle ne peut pas se résumer demain au seul statut de demandeur d’emploi. La poursuite d’études est possible sous le statut d’étudiant, et elle implique :
Pour le jeune, de passer d’une logique de gratuité à celle de l’investissement dans ses études,
Pour le CFA, d’élargir les voies d’accès à ses enseignements autrement que par la seule voie de l’apprentissage.
Le modèle existe déjà et, sur les 3 millions d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, plus d’un étudiant sur quatre (26,5 %) est inscrit dans un établissement privé d’enseignement supérieur (3).
L’accompagnement des candidats à l’apprentissage dans la poursuite de leurs études sous statut étudiant, sur une ou plusieurs années (une reprise de l’apprentissage reste possible l’année suivante), implique sans doute de faire un peu d’éducation financière parce que le coût des études ne se résume pas aux seuls coûts pédagogiques :
Cela consiste d’abord à aider le candidat à évaluer la réalité du coût de ses études sous statut étudiant. Le simulateur de mystudybudget.com (4) aide les étudiants, leurs parents et les établissements d’enseignement supérieur à chiffrer le coût des études partout en France sur d’autres postes de dépenses comme le logement, le transport, l’alimentation, la santé et la vie sociale. Dans certaines villes, ces postes de dépenses sont déterminants dans le chiffrage du vrai coût des études et donc de leur financement.
Ensuite, le CFA peut aussi aider à identifier les conditions et modalités de réduction du coût de ses études – tous postes de dépenses confondus – par des choix budgétaires pertinents au regard de la situation économique et sociale de l’étudiant,
Enfin, le futur étudiant, pourra mobiliser les aides à sa disposition non détaillée ici. Néanmoins, on peut citer le prêt étudiant garanti par l’Etat qui peut aller jusqu’à 20 000 euros ou encore l’allocation spécifique annuelle, distincte des bourses sur critères sociaux, pour étudiant en difficulté.
Vers une culture du financement combiné
Les financements de la formation, même s’ils sont parfois parfaitement connus, ne sont pas parfaitement optimisés.
Prenons l’exemple du plus connu d’entre eux : le compte personnel de formation (CPF). Le potentiel du CPF serait davantage libéré si les parties prenantes, en l’occurrence employeurs et salariés - s’en saisissaient après s’être entendu sur les finalités.
Pour les candidats à l’apprentissage (5), en l’absence d’employeurs, le passage au statut d’étudiant nécessite pédagogie et accompagnement des CFA sur des solutions de financements qui n’avaient probablement pas été envisagées dans leur modèle économique initial. L’auto-financement des études (par divers moyens : fonds propres, prêt bancaire, aides et bourses…) peut tout aussi bien être conjugué avec l’apprentissage dans la suite du parcours de l’étudiant : les 2 premières années de Bachelor en statut étudiant, la 3ème année en statut apprenti.
Ainsi, il ne suffit pas de décloisonner les financements de la formation, les parties prenantes sont invitées à négocier entre elles pour explorer d’autres voies, les conjuguer et ainsi permettre l’accès ou la poursuite de formations.
Par Frank SAVANN, Consultant, ingénierie et financement de projets de développement des compétences
(1) La Pro A doit fusionner avec Transco pour créer à une période de reconversion suite à l’ANI du 25/06/2025. La loi a été adoptée le 15/10/2025, et au 1er janvier 2026, la Pro A cèdera sa place à la période de reconversion qui pourra opportunément être combinée avec le CPF et PDC.
(2) PDC : Plan de Développement des Compétences
(3) Note Flash du MESR-SIES de juillet 2025
(4) mystudybudget.com plateforme d’éducation financière et de chiffrage gratuit du coût des études pour les étudiants, leurs parents et les établissements de l’enseignement supérieur. Un scoring permet aux étudiants d’évaluer leur budget et de rechercher les conditions de sa viabilité. Des Master Class sont proposées aux étudiants des écoles engagées dans l’éducation financière.
(5) 65000 postes d’alternants supprimés en 6 mois _ Note de conjoncture INSEE, Septembre 2025


