Les enjeux des CFA et le financement à court terme

13 Oct 2023 | Formation professionnelle, ACTUALITES

Garantir la qualité de l’apprentissage et soutenir l’investissement dans un écosystème déficitaire

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Le succès de l’apprentissage, reconnu unanimement, tire sa source de la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018, et de l’aide exceptionnelle créée en 2020 portée par le plan de relance – incluant 1 jeune, 1 solution – pour, dans un contexte post pandémique, inciter les employeurs à recruter des apprentis.

Ce succès est également dû à la contribution des branches professionnelles, chargées par France Compétences (FC), de fixer le montant des coûts contrats, autrement dit des niveaux de prise en charge (NPEC) au titre de la rémunération des centres de formation d’apprentis (CFA). Lorsque les branches professionnelles ne se sont pas positionnées sur le NPEC des certifications, ou n’ont pas pris en compte les recommandations de FC, alors le « décret de carence » prend le relais.

Ce succès est à attribuer aux CFA qui, rappelons-le, se sont organisés pour garantir la progression pédagogique de leurs apprentis confinés, avant de s’engager dans une démarche de certification qualité. Entre 2018 et 2023, leur nombre a quadruplé. L’offre nationale s’est étoffée et a permis, en particulier dans l’enseignement supérieur (62% des contrats en 2022) d’offrir une solution de financement aux apprentis et des profils plus qualifiés, à moindre coût, aux employeurs.

Avec 367 000 contrats en 2019, 532 000 en 2020, 736 000 en 2021 et 837 000 en 2022, les résultats annuels de la réforme de l’apprentissage suivent une trajectoire qui devrait atteindre l’objectif symbolique du million d’apprentis bien avant la fin du quinquennat.

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Les coûts structurels de l’apprentissage

Tout succès a un coût. Celui de l’apprentissage se chiffre en milliards et les rapports qui se succèdent pointent un déficit structurel. La Cour des Comptes, dans son rapport de juillet 2023, rappelle que sans les 4 Mds de dotations exceptionnelles de l’Etat versées en 2022, FC aurait été en cessation de paiement… le mois dernier. Au-delà du constat, la juridiction financière liste plusieurs mesures dont le renforcement des exigences en matière de qualité des formations et de lutte contre la fraude.

Considérant le résultat bénéficiaire des CFA de 700 millions d’euros, plusieurs mesures ont déjà été prises comme la réduction de l’aide unique depuis janvier 2023 et la baisse du NPEC de 10% en 2 temps (en septembre 2022 et 2023). Ces mesures restent insuffisantes. Le rapport de l’IGF / IGAS relève pour FC un déficit prévisionnel de 2,9 Md€ à fin 2023 avec un risque de rupture de trésorerie dès… octobre !

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Le financement de l’investissement par les CFA

Si le succès a un coût, la qualité aussi. Comment, dans ses conditions, les CFA vont-ils pouvoir continuer d’une part d’accueillir des apprentis et d’autre part investir dans la qualité ? Pour répondre à cette question, les CFA devront tenir compte de plusieurs facteurs :

  • Leur offre : plus elle préparera à des certifications de niveau élevé (5, 6 et 7), moins la rémunération des contrats sera importante. Les CFA devront alors étudier le meilleur équilibre entre effectif nécessaire par classe à leur capacité d’autofinancement et la qualité de leur enseignement enrichi par des solutions pédagogiques innovantes,
  • Les branches professionnelles : auprès desquelles les CFA peuvent devenir des « partenaires pédagogiques » tant dans l’ingénierie de formation que dans les territoires. Les branches seront en effet probablement invitées à réfléchir à la création d’obligations conventionnelles destinées à financer des parcours diplômants prioritaires,
  • Leur positionnement géographique : même si les dotations régionales peuvent paraître marginales (180 M€ en 2022) à l’échelle du déficit structurel national, les régions interviennent dans le financement de l’investissement des CFA (matériel, équipement, murs…). La banque des territoires intervient également dans le soutien à l’investissement des CFA.
  • Enfin, leur réseau d’employeurs auprès desquels les CFA peuvent solliciter le solde de la taxe d’apprentissage soit en numéraire (via la plateforme Soltéa) soit en subventions pour financer leur équipement et matériel pédagogiques. Certes, cette piste nécessite une organisation et un marketing de proximité dont l’enjeu peut néanmoins valoir le détour.

Certains de ces points peuvent être explorés par les CFA dès à présent. D’autres seront l’objet d’âpres négociations dans la perspective de la prochaine loi sur la formation attendue au printemps 2024. Si l’objectif du million d’apprentis est acquis, les enjeux portent désormais sur le soutien à la qualité de l’apprentissage et à l’investissement des CFA dans un écosystème équilibré.

Par Frank SAVANN, expert Apprentissage, CFA d’Entreprise, solutions de financement

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