INTERVIEW – Patrice Guezou, Directeur Général de Centre Inffo

6 Oct 2020 | INTERVIEW

Chaque mois, l’ISQ invite un acteur majeur du secteur de la formation professionnelle pour un échange éclairant sur les dernières actualités. En octobre, nous avons recueilli les propos de M. Patrice Guezou, Directeur Général de Centre Inffo, une plateforme phare dans l’univers de la formation. 

Centre Inffo, Patrice Guezou

Bonjour M. Guezou. Vous êtes le Directeur Général de Centre Inffo, une plateforme bien connue des acteurs de la formation professionnelle. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette « boite à outil » et sur votre rôle envers les acteurs du secteur ?

Centre Inffo est un association loi 1901 à but non lucratif, chargée de développer l’information sur la formation professionnelle permanente. Ses missions sont d’élaborer, de capitaliser et de diffuser l’information et la documentation à destination des pouvoirs publics, des partenaires sociaux et de l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle. Centre Inffo intervient dans le cadre de politique publiques nationales, européennes et territoriales en relation avec les acteurs de chaque échelon.

Que vous inspire la création de la certification QUALIOPI et en quoi est-elle une avancée pour le secteur de la formation professionnelle ?

Sur le principe général, on passe d’une évaluation par les parties prenantes à une certification tierce partie ce qui constitue un gage de reconnaissance important. 

Sur la certification elle-même, trois points clés se dégagent : 

  • L’articulation forte entre l’analyse des besoins macro d’un secteur et celle des besoins individuels dans la mise en œuvre des formations elles-mêmes.
  • Le déploiement d’une certification unique pour plusieurs types de prestations dont l’apprentissage, accompagnant ainsi l’élargissement du champ de la formation professionnelle.
  • Le développement de la culture de l’évaluation et de la diffusion des résultats. 

Sur l’impact sur le fonctionnement de l’organisme de formation, Qualiopi, en tant que certification de processus, va amener l’organisme à mettre sous contrôle ses processus clés : l’information, la construction de parcours, la mise à disposition de moyens adaptés, le recrutement, la gestion des achats et de la sous-traitance, la veille règlementaire, sectorielle et métier. Et à développer une démarche d’amélioration continue.

La digitalisation de l’offre de formation ne cesse d’augmenter, encore plus depuis la récente crise sanitaire. Quelle sont les avantages et les inconvénients de ces nouveaux formats ?

Il convient de rappeler le contexte inédit du COVID et de ses conséquences à savoir, d’une part, le confinement et par conséquent des consommateurs éloignés et dispersés, peu disponibles pour un face à face pédagogique et, d’autre part, une intervention financière sans précédent des pouvoirs publics, ce qui a permis de soutenir le marché donc l’offre de formation notamment des demandeurs d’emplois.

Les organismes de formation, au nom de la continuité pédagogique, se sont naturellement mobilisés pour faire face à cette nouvelle donne et bien évidemment de façon inégale entre les organismes dont le catalogue était déjà digitalisé, possédant une culture forte de la formation ouverte et à distance et les organismes qui ont dû faire preuve de flexibilité et d’adaptabilité.

Plutôt que de parler d’avantages et/ou d’inconvénients de ces nouveaux formats, par ailleurs mis en avant depuis de nombreuses années maintenant par le FFFOD notamment, c’est surtout de révolution culturelle qu’il faut parler à moyen et long terme. Les usages, les complémentarités des modalités pédagogiques doivent être pensés et déployés selon les ambitions de développement des connaissances et des compétences. C’est un basique de la pédagogie !

La période récente a mis en lumière l’accessibilité, l’expansion et l’extension des dispositifs numériques, dans toutes les composantes de la vie, sociale, éducative, économique. Pour l’offre de formation, il ne faut pas s’y tromper. Le défi est immense. Il ne s’agit pas de digitaliser simplement le catalogue habituel mais de se réinventer, de mettre en place un nouveau modèle économique aux paramètres multiples : innovations pédagogiques, technologiques, humaines, commerciales… C’est ambitieux… mais le ton est donné !

 

Centre Inffo

Depuis quelques années, le terme « blended learning » est sur toutes les lèvres mais peine réellement à devenir la « norme » ; quel est l’avantage de ces formats où le distanciel se mélange au présentiel ?

Le « blended learning » a été facilité depuis 2014 car la réforme de cette année-là a précisé qu’une action de formation pouvait être réalisée (et financée) « en tout ou partie à distance ». Cette approche mixée de l’action de formation a permis de tourner le dos à l’idée qu’il y avait, d’un côté, la formation en présentiel et, de l’autre, la formation ouverte et à distance (FOAD). Dans les faits, des pratiques de mixage avaient déjà été observées et ses avantages mis en avant. La combinaison des deux modes de formation élargit en effet les modalités pédagogiques et permet de combiner ainsi les outils pédagogiques les plus adaptés pour atteindre les objectifs professionnels fixés : l’usage d’une plateforme ou d’une application de formation, synchrone ou asynchrone, mais aussi des temps de face à face pédagogique avec les formateurs en présentiel ou à distance en visioconférence.

Après la période de confinement que nous venons de traverser et le développement du télétravail auxquels nous assistons, le « blended learning » pourrait connaître un plus grand usage du fait des nouvelles organisations de travail. Cependant, dans ce nouveau contexte, il est à présent concurrencé par le « full digital », sans module en présentiel et surtout par le présentiel distancié ; c’est-à-dire des actions de formation réalisées en direct et à distance, au moyen d’une visioconférence, sans période asynchrone de travaux sur une plateforme ou une application.

Chez les grecs, les « pédagogues » étaient souvent des esclaves chargés de conduire les étudiants chez le « grammatiste ». Ils sont aujourd’hui définis comme des « spécialistes de l’éducation ». Selon vous, que sera le coeur de leur activité dans un siècle ? 

Oui, mais il s’agissait d’esclaves de confiance ! La confiance demeure la clé d’un acte pédagogique réussi ! Le pédagogue, tel le philosophe, peut être abordé du point de la discipline qui structure son savoir – les sciences de l’éducation par exemple – ou il peut aussi être regardé du point de vue de la finalité et des usages de son savoir : faciliter, étayer, accompagner l’acquisition, la diffusion et la transmission des savoirs et des compétences aux moyens de méthodes et pratiques variées et adaptées.

Le pédagogue de demain, selon moi, demeure le « Maître ignorant » (Jacques Rancière, 1987) : celui qui écoute, mobilise le matériau adéquat, discerne et contourne les obstacles, facilite les initiatives, nourrit par tous les canaux le désir d’apprendre. Evidemment, le numérique, l’intelligence artificielle et les avancées des sciences neuronales y joueront un grand rôle. Mais les principes et préceptes de Socrate ne seront jamais loin ! 

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